Lorsque la patrouille de maintien de la paix est arriv¨¦e dans le comt¨¦ de Tonj Nord, sa mission ¨¦tait claire : ¨¦valuer la situation s¨¦curitaire et maintenir une pr¨¦sence protectrice dans une zone longtemps touch¨¦e par la violence intercommunautaire.

Mais ce qui les attendait ¨¤ Marial-Lou ¨¦tait loin d¡¯¨ºtre routinier.

Alors que l¡¯¨¦quipe de soldats de la paix servant aupr¨¨s de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), compos¨¦e de soldats bangladais, d¡¯observateurs militaires et d¡¯officiers de liaison communautaire, commen?ait ¨¤ installer sa base temporaire, elle a ¨¦t¨¦ confront¨¦e ¨¤ des nouvelles inqui¨¦tantes.

Plus de 100 filles ont ¨¦t¨¦ confin¨¦es ¨¤ l¡¯int¨¦rieur du pensionnat Marial-Lou, entour¨¦es de jeunes arm¨¦s qui mena?aient de prendre les ¨¦l¨¨ves en otage en repr¨¦sailles ¨¤ un r¨¦cent vol de b¨¦tail, qui aurait ¨¦t¨¦ perp¨¦tr¨¦ par des membres des communaut¨¦s d¡¯origine des ¨¦l¨¨ves.

Parmi les personnes d¨¦ploy¨¦es figurait l¡¯observateur militaire de la MINUSS, le capitaine Sinuon Nam.

? L'¨¦cole ¨¦tait encercl¨¦e ?, dit-elle. ? Ces filles n'avaient rien ¨¤ voir avec le vol de b¨¦tail, elles ¨¦taient cibl¨¦es simplement en raison de leur origine. Nous savions qu'il fallait agir ¨C non pas par la force, mais par une pr¨¦sence ferme et constante. ?

Des coups de feu ont ¨¦t¨¦ tir¨¦s en l'air par les jeunes, manifestement dans une tentative d'intimidation. Mais les Casques bleus ont tenu bon. Pendant des heures, ils ont patiemment n¨¦goci¨¦ avec le groupe arm¨¦, insistant sur le fait que les ¨¦coles devaient rester des espaces s?rs et que les enfants ne devaient jamais ¨ºtre des instruments de vengeance.

? On nous demande souvent pourquoi nous ne ripostons pas ?, explique le capitaine Nam. ? Mais notre mandat est de prot¨¦ger les civils sans prendre part au conflit. Nous n'utilisons la force qu'en dernier recours. Notre r?le est d'apaiser les tensions, et non de les aggraver. ?

? la tomb¨¦e de la nuit, l¡¯¨¦quipe a obtenu l¡¯accord des jeunes pour se retirer et laisser la place ¨¤ un dialogue pacifique.

Tandis que les soldats bangladais maintenaient un p¨¦rim¨¨tre de s¨¦curit¨¦ autour de l'¨¦cole, le reste de la patrouille a rejoint les autorit¨¦s locales le lendemain pour engager le dialogue avec les dirigeants des communaut¨¦s voisines. Leur message ¨¦tait clair?: restituer le b¨¦tail vol¨¦ par le biais de m¨¦canismes communautaires et ne pas cibler les enfants ni les ¨¦coles.

? l'int¨¦rieur de l'enceinte, un enseignant a confirm¨¦ par radio la s¨¦curit¨¦ des filles?: ??Dites aux parents de ne pas s'inqui¨¦ter. Les filles sont en s¨¦curit¨¦. Nous sommes en s¨¦curit¨¦?; les Casques bleus sont l¨¤.??

Les jours suivants, la MINUSS a intensifi¨¦ ses patrouilles dans d'autres zones proches, s'attaquant aux groupes vuln¨¦rables, souvent les plus touch¨¦s par les tensions communautaires. C'est alors que le capitaine Nam a commenc¨¦ ¨¤ d¨¦couvrir une autre facette du maintien de la paix.

Quand les femmes de la communaut¨¦ m'ont vue, moi, en uniforme, elles se sont confi¨¦es d'une mani¨¨re inattendue. Elles ont parl¨¦ d'accouchements sans soins m¨¦dicaux, de la peur de la violence et de la faim que subissent leurs enfants. Nous nous sommes serr¨¦es dans les bras, nous avons ri, nous avons pleur¨¦ ensemble. Ce genre de lien cr¨¦e une confiance que les patrouilles seules ne peuvent pas instaurer.

Les jeunes enfants ont ¨¦galement tiss¨¦ des liens avec les Casques bleus. ? Ils s'accrochaient ¨¤ moi ?, sourit le capitaine Nam. ? Certains voulaient juste me tenir la main. Dans ces moments-l¨¤, je n'¨¦tais pas qu'un simple uniforme, j'¨¦tais quelqu'un ¨¤ qui ils pouvaient s'identifier. ?

Finalement, gr?ce ¨¤ un engagement soutenu, les jeunes arm¨¦s ont accept¨¦ de se retirer compl¨¨tement et ont promis de ne plus jamais cibler l¡¯¨¦cole.

? Ils nous ont dit : "L'¨¦cole est pour tout le monde. Elle ne devrait pas ¨ºtre impliqu¨¦e dans ce conflit" ?, se souvient le p¨¨re Angelo, le directeur de l'¨¦cole.

Pour la MINUSS, cette d¨¦sescalade r¨¦ussie d¨¦montre la valeur des patrouilles de longue dur¨¦e, de l¡¯engagement intensif et l¡¯importance des femmes soldats de la paix pour favoriser le dialogue et la confiance.

Le capitaine Nam revient sur la mission avec une conviction sereine?: ??Nous n¡¯avons pas secouru les filles par la force. Nous les avons prot¨¦g¨¦es par notre pr¨¦sence, nos n¨¦gociations et notre humanit¨¦. C¡¯est l¡¯essence m¨ºme du maintien de la paix. Cela prouve que, parfois, un sourire et une conversation valent mieux qu¡¯une arme.??