Mojgan Shadbash est psychologue clinicienne et Conseill¨¨re du personnel pour le Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA) en Jordanie. Elle explique comment g¨¦rer les ¨¦motions suscit¨¦es par l¡¯exp¨¦rience d¡¯une immense souffrance et d¡¯une perte.

Les travailleurs humanitaires sont souvent t¨¦moins de souffrances, de violences, de d¨¦placements ou de pertes, qui peuvent avoir de lourdes cons¨¦quences ¨¦motionnelles, qu¡¯ils vivent directement ces ¨¦v¨¦nements ou qu¡¯ils soient expos¨¦s aux r¨¦cits bouleversants des survivants.

Ces deux ph¨¦nom¨¨nes peuvent conduire ¨¤ un ¨¦tat connu sous le nom de ? stress traumatique secondaire ?, dans lequel les individus int¨¦riorisent la douleur des autres. Une exposition r¨¦p¨¦t¨¦e peut entra?ner de l¡¯anxi¨¦t¨¦, un ¨¦vitement des souvenirs et des situations n¨¦gatives et un ¨¦puisement ¨¦motionnel.

Le fardeau ¨¦motionnel d¡¯¨ºtre t¨¦moin de la souffrance peut ¨¦galement contribuer ¨¤ la fatigue de compassion, ce qui signifie que vous vous ¨¦loignez ¨¦motionnellement d¡¯une situation par un m¨¦canisme de d¨¦fense.

?tre immerg¨¦ quotidiennement dans un environnement de crise maintient le cerveau dans un mode constant de combat ou de fuite, o¨´ les hormones de stress comme le cortisol et l¡¯adr¨¦naline restent ¨¦lev¨¦es.

Bien que cette r¨¦ponse soit n¨¦cessaire ¨¤ la survie ¨¤ court terme, une exposition ¨¤ long terme ¨C et des niveaux excessifs de cortisol et d¡¯adr¨¦naline ¨C peuvent alt¨¦rer la m¨¦moire, la prise de d¨¦cision et la r¨¦gulation ¨¦motionnelle, en plus d¡¯avoir des impacts sur notre sant¨¦ physique.

Une ¨¦tude r¨¦alis¨¦e en 2015 a r¨¦v¨¦l¨¦ que 41 % des travailleurs humanitaires se sentaient ¨¦motionnellement ¨¦puis¨¦s par leur travail. Pourtant, malgr¨¦ les difficult¨¦s, ils continuent ¨¤ faire leur travail, m¨ºme au p¨¦ril de leur sant¨¦ mentale, pouss¨¦s par un sentiment d¡¯utilit¨¦ et un fort d¨¦sir d¡¯att¨¦nuer la souffrance, ce qui peut servir de facteur de protection.

Cependant, n¨¦gliger de prendre soin de soi peut entra?ner de graves cons¨¦quences n¨¦gatives.

En cas de crise, il reste peu de temps pour g¨¦rer les exp¨¦riences et les ¨¦motions intenses qui surviennent. C'est pourquoi un soutien psychosocial professionnel est essentiel, tout comme des syst¨¨mes solides de soutien par les pairs et la normalisation des conversations autour de la sant¨¦ mentale.

Il est important de noter que si le personnel international peut quitter des environnements ¨¤ haute intensit¨¦ pendant ses pauses de repos et de d¨¦tente, le personnel national reste continuellement plong¨¦ dans une crise, ce qui perp¨¦tue son exposition aux facteurs de stress et augmente le risque de traumatisme cumulatif.

Cela dit, le personnel national peut b¨¦n¨¦ficier des liens familiaux et communautaires, qui peuvent att¨¦nuer le stress.

Le soutien organisationnel est essentiel pour cr¨¦er une culture qui donne la priorit¨¦ au bien-¨ºtre mental et au succ¨¨s de la mission, car les deux ne s¡¯excluent pas mutuellement.